Construction en terre crue.

Construction en terre crue.

la construction en terre crue.

1. Introduction

Article extrait de l’interview qu’Amélie du site ‘Chapeau et bottes’ m’a accordé sur la construction en terre crue.

Dans nos climats, il est plutôt conseillé de bâtir sa maison avec un bon chapeau, donc un bon débord de toit pour protéger les murs en terre d’éventuelles érosions, intempéries et du soleil. Et de bonnes bottes, à savoir des fondations, avec un mur de soubassement qui permet de désolidariser la maison, qu’elle soit en bottes de paille ou avec la technique de la terre, de l’humidité naturelle du sol. Donc voilà le petit clin d’œil !

Je vais vous présenter mon activité et également les valeurs que je porte.

Chapeau et bottes c’est une structure qui est dédiée à la transmission des savoirs et savoir-faire sur les techniques en terre crue, les avantages et le cadre législatif français dans lequel on s’inscrit pour pouvoir bâtir sa maison.

Le patrimoine en terre est présent partout en France.

Le patrimoine en terre et le matériau en terre sont remplis de paradoxes puisque c’est à la fois un matériau où on a un peu en tête l’image d’Épinal des sols en terre de pépé, mémé pas vraiment résistant, plein de poussières et en même temps, c’est un matériau qui a permis aux hommes de se sédentariser il y a quelques milliers d’années.

C’est un matériau dit vernaculaire, qui est local, qui apporte de la simplicité et qui est à la fois en abondance sur notre planète et en même temps j’aime à dire que la terre crue, en tout cas le matériau terre, n’est pas vertueux en lui-même, c’est vraiment la manière dont on va le mettre en œuvre qui est vertueux. 

Pourquoi la terre ?

Ça, je vais vous le détailler après, mais j’avais bien envie de vous mettre une petite photo de chez moi, pour vous montrer la joie que l’on peut ressentir avec ce matériau.

Je possède une maison en terre, cela va du sol aux murs (périphériques et intérieur).

2. Où trouver la terre

Il y a une question importante à se poser quand on décide de bâtir ma maison en terre, c’est où je vais la trouver ?

Concrètement, il y a plusieurs pistes, il y a celle des terres excavées. Lors des fondations, on récupère la terre extraite pendant le terrassement, donc on ne peut pas faire plus Local. Après, je vais vous expliquer comment on peut savoir si elle est bonne à bâtir ou pas.

Ensuite, une autre source de gisement, c’est les carrières. Elles peuvent fournir de la terre en Big bag , en sac de de 25 kilos ou même en camion si on a besoin de d’avoir plus de volume. On peut également contacter des terrassiers ou des piscinistes.

Autour de chez nous, il y a probablement d’autres personnes qui construisent et dans ce cas-là, on peut tout simplement regarder sur le panneau travaux pour trouver les coordonnées.

C’est vraiment un gisement énorme. Donc à la question, est-ce que c’est simple de trouver de la terre ? Globalement, oui, il faudra juste faire un petit peu de recherches, c’est sûr, que l’on ne va pas aller dans les grands magasins de bricolage.

Le fait d’aller voir ces voisins, permet de créer du lien avec son territoire, de tisser des liens sociaux, mais surtout de voir qu’une personne peut donner une ressource avec ce qui au départ était un déchet.

Une fois qu’on a trouvé notre gisement, comme illustré sur le schéma de gauche, à la surface, en A, c’est la terre qui va nous nourrir, donc on va la laisser à nos paysans, paysannes ou à notre jardin pour nous nourrir, c’est de la terre végétale pleine d’humus, pleine de petites bêtes.

Ce qui va nous intéresser, c’est la surface B globalement, si on creuse un trou dans son jardin, je conseille de creuser un trou au-delà de 20 centimètres de profondeur, là on commence à arriver sur la couche B qui, elle va être composée, comme on le voit sur le schéma à droite, de cailloux, de gravier, de sable, de silts (ou limons) et d’argile en proportions complètement différentes.

C’est vraiment propre à son lieu de vie, c’est ça aussi la richesse de la terre, c’est qu’elle a une variabilité qui est infinie donc il va être important quand on creuse de déjà l’observer avec nos 5 sens. On regarde ce qu’elle dévoile, en lui ajoutant un petit peu d’eau, pour voir quelle est sa cohésion, est-ce qu’elle colle ou pas, ça va vraiment être important.

La couche C, elle ne va pas nous intéresser. Celle-ci, on va plutôt la retrouver quand on va en carrière de sable. C’est à ce moment-là que les carrières de sable commencent l’extraction et à exploiter ce gisement.

Ajoutez votre titre ici

Donc, une fois que vous l’avez trouvé, on va commencer à l’explorer. Concrètement, pour la reconnaître, il y a 4 grands tests qui sont assez simples :

Test de la Sédimentation

C’est un test qu’on retrouve aussi chez les agriculteurs.

Je vais faire simple, c’est une bouteille d’un litre que vous aurez préalablement divisée en 4 niveaux.

Vous remplissez d’un quart de terre et remplissez le reste d’eau, vous secouez et vous observez.

Petit à petit, ce qui va être lourd, ça va être tout ce qui est cailloux, gravier, les sables, les silts et les argiles. Les argiles, ça va être le dernier niveau qui va décanter et en général quand une bouteille m’est du temps à décanter, on dit que les argiles sont quand même bien présentes.

Donc juste à l’œil, on a une idée de la teneur et de la taille des grains de la terre que vous allez potentiellement utiliser.

Test de la Pastille

On va faire des pastilles grâce à un tube PVC de de 5 cm de diamètre.

On va mouiller la terre pour qu’elle soit un peu pâte à modelée, remplir la pastille et observer ce qui se passe au séchage.

Est-ce que la pastille se rétracte ou pas ? Et est-ce que la pastille se casse difficilement ou pas ?

Donc là, ça va nous donner, à la fois une idée sur la cohésion de la terre, est ce qu’elle va aussi faire du retrait ?

Est-ce qu’on a affaire à une argile dite gonflante ou pas ? Ce test va nous donner un faisceau d’indices sur le besoin ou pas, d’ajouter de la fibre ou du sable pour avoir le mélange homogène qu’il nous faut ?

Test du cigare

On forme un cigare, à peu près 40 cm de longueur, 3 cm de diamètre.

Puis on va venir le pousser au bord de table, on va venir récolter les petits morceaux qui se cassent et on les mesurer, en fonction de la longueur on aura une idée sur la teneur en argile.

Test de la boule

On fait une boule, on la laisse tomber et on regarde en combien de morceau elle se divise.

En conclusion

Ces 4 tests nous donne des indices sur la cohésion et sur le fait qu’elle va beaucoup coller ou pas et également sur la taille des grains.

Pour conclure avec les tests, ce n’est pas un test à faire, c’est vraiment tous les tests pour avoir un faisceau d’indices qui se croise ou pas. Et dans ce faisceau d’indices, on va chercher à comprendre. La cohésion, puisque c’est bien la cohésion de de la terre qui va nous nous dire si la terre est OK pour bâtir. Et puis également la plasticité de l’argile, c’est vraiment ces 3 critères là qu’on va chercher à comprendre.

Ces tests sont également intéressants pour déterminer si le terrain est sensible aux effets du gonflement et retrait d’argile, ce qui va influencer les fondations.

 

Comment mettre la terre en œuvre ?

Quelle technique on va utiliser pour la mettre en lien avec nos usages de vie ?

On va sortir du schéma: « j’ai un produit prêt à l’emploi, je le mets quel que soit la condition dans laquelle j’ai envie de vivre ». Ben non, les matériaux qu’on emploie sont vraiment connectés à nos usages de vie, à comment la maison va être orientée pour être le plus possible en harmonie avec l’environnement qu’on a choisi pour s’y intégrer et y vivre.

Je précise cela, parce qu’on retrouve actuellement dans les magazines de construction ou d’architecture, des belles techniques mais sans le regard de son intégration dans son lieu de vie.

Quelquefois, on vient me chercher en me disant « Ah mais je veux cette technique », mais sans se poser la question d’où tu veux vivre, comment tu veux vivre et est-ce que ta terre est adaptée ?

Si la terre doit parcourir plus de 50 km, ce n’est même pas la peine de se demander si je vais construire en terre ou pas. On va utiliser un autre matériau qui est plus proche et plus adapté à l’écosystème dans lequel on s’inscrit.

C’est vraiment important d’avoir ce réflexe-là, je sais où je vais prendre ma terre, je connais ses caractéristiques et je vais maintenant les croiser à mes usages, et choisir la technique, quitte à mixer des techniques.

C’est ça aussi ce qui est intéressant et riche !

Maintenant je vais vous détailler à la fois les types de technique qui existent mais également pourquoi on va les utiliser et pourquoi elles sont utiles ?

1. Techniques porteuses

Je vais démarrer par les techniques qui sont dites porteuses, car un des avantages avec la terre c’est que l’on n’est pas obligé d’y adjoindre une technique porteuse en bois, ciment ou métal.

Il y a 3 grandes techniques, la technique du Pisé,

Pisé

Là c’est un bâtiment à Lyon, à usage professionnel, il est encore en phase de construction.

Le principe du Pisé, on a des coffrages dans lequel on va venir le remplir de terre, puis la damer.

Les plus courageux le feront à la main, sinon il y a des fouloirs pneumatiques, on va venir tasser par tranches régulières la terre et on va monter au fur et à mesure le coffrage.

Brique

La technique des briques : ce sont des briques de terre compressées ou Adobes (quand elles sont faites manuellement).

Ce qui est intéressant, c’est qu’on a un mix de matériaux. On voit que sur la partie droite du bâtiment, on a un rappel d’ossature, mais sur la façade sud, on est vraiment sur une technique de brique de terre compressée et porteuse.

Bauge.

La technique de la bauge. Sur la photo, on peut voir l’illustration des bonnes bottes avec le mur de soubassement en pierres, puis on voit les différentes strates du montage.

La bauche, c’est un système de coffrage, mais à la différence du Pisé, le mélange, est prêt et on le met directement dans le coffrage. Sur le sol, on va réaliser des pains de terre qu’on va mélanger avec de la fibre, soit au pied, soit avec des chevaux où on peut aussi le faire mécaniquement.

Ça c’est vraiment au choix par rapport à l’aspect low tech et la simplicité aussi que l’on veut mettre dans son projet. On va déposer les pains dans le coffrage et monter celui-ci au fur et à mesure, puis après venir poser sa charpente dessus.

En conclusion

En fonction de la technique, on peut aller de 0,2 à 2 méga Pascal donc ce qui est quand même assez intéressant et mettre à mal, l’idée que la construction en terre n’est pas costaud.

2. Cloisons

Ensuite, si vous avez décidé, comme toi Jean-Luc, de choisir une ossature en bois, on va se concentrer sur comment la terre va pouvoir, en usage intérieur, amener de l’inertie.

Il existe plusieurs techniques pour créer des cloisons avec de la terre crue : le torchis, la terre allégée et la technique des briques.

L’intérêt du cloisonnement en terre, je le répète, c’est d’apporter de l’inertie, donc contrebalancer avec des matériaux qui ne sont pas suffisamment riches en inertie.

Elle va également permettre de travailler sur l’acoustique et de travailler sur l’esthétisme.

Sur la première photo, on voit un mur maçonné, esthétisme de masse en bas et allégé en haut, ce qui donne un moucharabié qu’on peut retrouver notamment dans les architectures Arabe.

Information pratique, on peut aller sur des cloisons entre 8 et 0,25 cm d’épaisseur.

On parle en terme de masse volumique, car ça va faire écho à la capacité d’inertie mais également à la manière dont on va anticiper son chantier, notamment prendre en compte le poids que va représenter un mur en terre que ce soit sur les fondations ou sur la reprise de charges des planchers.

On peut, pour certaines techniques, on va apporter jusqu’à 2500 kilos par mètre cube. Ce n’est pas quand même pas négligeable.

3. Décorer

Le troisième rôle c’est de décorer. On peut très bien choisir de faire sa maison en bottes de paille ou en mur. Bloc de chaux/chanvre et on peut venir enduire et décorer.

La terre a tout un chemin, on peut faire des murs porteurs, cloisonner ou uniquement en enduire. Au-delà de 3 cm d’enduit, on commence déjà à bénéficier des propriétés d’inertie ou de la régulation de naturelle de l’humidité.

Je trouve que c’est important de savoir individuellement quelle énergie on veut mettre dans son projet et de choisir la technique qui va être OK pour nous, OK pour notre corps, OK pour notre famille puisque l’idée, c’est quand même, après avoir bâti sa maison, c’est d’y vivre des jours heureux.

J’aime bien parler de cette petite boussole aux personnes qui m’interpellent sur quelle est la meilleure technique, ben ça va dépendre de ta boussole intérieure, quelle énergie tu veux mettre individuellement et collectivement, quel temps tu as, quel budget tu as, quels sont les accès, les facilités à la ressource.

En fonction de cette boussole, tu vas l’orienter différemment au début de ton projet, pendant le projet et à la fin d’un projet.

Il n’y a pas de projet parfait, ce qui est important pour moi, c’est vraiment de prendre soin de soi et d’être encore en bonne santé à la fin de sa construction pour en bénéficier quand même.

Pour résumer, j’utilise de la terre crue pour m’apporter de l’inertie, une régulation hygrométrique, une résistance au feu, même si la légende des 3 petits cochons peut nous dire le contraire, elle va nous apporter de l’esthétisme et enfin, elle va nous apporter une certaine qualité d’air.

Les propriétés de la terre crue

Je vous propose maintenant de faire un zoom sur chacune de ces propriétés pour comprendre à la fois les notions et voir ce que cela va apporter à notre habitat.

Ce n’est pas réservé à ceux qui vivent à la campagne et ce n’est pas réservé à ceux qui vivent uniquement dans des maisons.

Zoom sur l'inertie

J’insiste là-dessus, parce qu’à l’heure actuelle et depuis de nombreuses années, l’évolution du secteur du bâtiment met le zoom sur l’isolation, mais ce n’est pas suffisant.

Si on met le zoom uniquement sur l’isolation, on va se retrouver avec des maisons, en simplifiant, avec la fameuse clim réversible qui va apporter le soi-disant confort d’été et d’hivers, mais ce n’est que moyennement vrai.

Et encore plus maintenant avec l’évolution des chaleurs que l’on peut vivre en fonction de là où on habite en France.

La notion d’inertie ça veut dire quoi ? C’est la capacité d’un matériau de stocker la chaleur et de la rediffuser tout doucement.

Pour l’hiver :  Pourquoi cela va être important ?

Quand il fait froid dehors, vous allez chauffer votre maison, le point de chauffage, que ça soit un poêle ou un radiateur, va chauffer le volume et les murs intérieurs en terre vont emmagasiner la chaleur pour vous la rediffuser tout doucement au moment où vous allez décider couper ou ralentir son régime la source de chaleur.

Quel est l’intérêt ?

L’intérêt, c’est d’une part d’avoir des économies d’énergie, car la maison ne se refroidit pas, puis la chaleur va être diffusée doucement, on ne ressentira pas des pics de changements importants de températures.

Si la maison a une bonne inertie, avec un poêle à bois, on ne consomme que très peu tout en ayant un grand confort car la maison ne reste jamais froide.

Pour l’été : Les murs intérieurs en terre vont capter l’humidité et la fraîcheur ambiante pour pouvoir aussi la redistribuer et réguler de manière naturelle, c’est vraiment une ventilation naturelle et vous gardez un intérieur frais.

Je vais vous donner une illustration, l’été dernier, chez moi en Gironde, sud-ouest de la France, il faisait quand même un peu chaud hein !

L’été dernier, on est allé jusqu’à 45°C. Eh bien, chez moi, la maison est restée tout l’été à 25°. En gardant bien sûr mes fenêtres fermées pour bénéficier quand même de l’isolation du vitrage, mais je n’ai pas eu besoin de m’enfermer derrière mes rideaux ni derrière mes volets.

Chose qu’ont connu une bonne partie des Français restés dans le noir une bonne partie de l’été parce que leur maison était isolée mais sans inertie.

Il n’y a pas de projet parfait, on va jongler avec ce que l’on a, soit avec une casquette au toit, soit l’ajout d’une pergola pour qu’en été le soleil tape uniquement sur le bas du mur.

Zoom sur l'hygrométrie et qualité de l'air

Hygrométrie :  J’ai commencé à en parler un peu, quand je parlais de l’air frais, c’est la capacité de la terre à réguler naturellement l’hygrométrie, donc la teneur en eau ou humidité ambiante dans la maison.

La terre a cette capacité d’emmagasiner aussi la fraîcheur et de pouvoir la redistribuer de manière complètement douce et au moment où on en a besoin et sans énergie. Et ça, c’est vraiment hyper important.

Un autre point, c’est que la terre est le seul matériau qui va aussi apporter une certaine qualité d’air puisque c’est un matériau qui est brut, qui n’est pas transformé et auquel on ne va pas apporter ni de cuisson ni d’adjuvant.

C’est ce qui va contribuer à la qualité de l’air, même si je vais quand même apporter un petit bémol et faire un petit retour en arrière sur quand on va trouver sa terre, ça va être important de se questionner aussi sur l’environnement duquel on la prend ? Cette terre, est-elle issue d’une terre où elle a subi des cultures pendant plusieurs années avec des pesticides ? Par chez moi, dans le dans le Bordelais, on a beaucoup de vignes.

Heureusement, là où je me suis installé, ça a été un de mes critères de ne pas être entouré de vignes. Si votre terre a subi des amendements en pesticides et autres, il va être important de faire un test de niveau de pollution pour être sûr que ça soit OK. Mais normalement, la terre naturellement est sans adjuvants et autres produits issus de la pétrochimie notamment.

Le regard que tu portes Jean-Luc est un regard un peu plus macro de la construction. Et vu que ta démarche va être dans la globalité du projet, c’est vraiment un des points clé et qui fait vraiment la différence entre des matériaux.

Pour faire un projet avec des matériaux bio et géo sourcés, il faut déconstruire le schéma de mettre tel matériau à tel endroit, mais bien avoir une vision du projet globale, de voir comment la maison est vivante et pas d’avoir une maison complètement étanche ou complètement déconnectée de ceux qui vont y vivre

Zoom sur la résistance au feu :

Une des grosses idées reçues c’est que la terre ce n’est pas résistant, notamment au feu. Bah je dirais, au pire la terre ça cuit. La terre est une matière minérale, donc à l’état sèche et est incombustible. 

Pour un usage de maison, la paille utilisée pour l’isolation à une densité très forte ne va pas brûler en plus si elle est recouverte de terre, cela va empêcher le passage d’air. Maintenant cela est encadré par des règles professionnelles.

En revanche pour les bâtiments recevant du public c’est encore un peu compliqué en France car il faut procéder à des tests pour chaque projet, ce qui n’est plus le cas en Allemagne.

Le seul point de vigilance que je mettrai c’est comment j’installe mon système électrique ? Pour ne mettre en péril un habitat, il est utile de se faire accompagner d’un professionnel pour cette étape.

Zoom sur l'esthétisme :

On en a parlé un petit peu tout à l’heure de l’esthétisme. À l’heure actuelle, l’impact de ce de ce qu’on ressent dans notre habitat n’est pas mesurable, on est vraiment dans le ressenti. 

Quand on vient visiter ma maison ou celle de mes clients, on s’y sent vraiment très bien. On a une sensation de confort, de douceur on a envie de caresser les murs, et à aucun moment, moi j’ai vu quelqu’un caresser un mur en placo !  

J’avais envie de vous montrer aussi d’autres images d’ambiance qui illustrent ce que peut nous apporter la terre sur bâti ancien.

On a parlé beaucoup de neufs, mais pour moi, la terre, je la promeut aussi de manière très forte dans le bâti ancien, parce que c’est vraiment compatible comme vous le voyez sur la photo.

Donc on a fait un zoom sur à la fois les propriétés de la terre, d’où la trouver, comment la reconnaître et maintenant, pour la dernière partie, je vais faire un zoom sur le bilan environnemental et social. On en a parlé un tout petit peu au début quand on cherchait notre terre. Ensuite on abordera le cadre juridique vision du particulier et du professionnelle.

Bilan environnemental

Ça fait le lien avec où j’ai trouvé ma terre. Il faut savoir qu’en France, les terres que vous pouvez voir sur les grands chantiers, notamment les chantiers urbains, à l’heure actuelle, sont mises dans des camions, transportés et mis sur des sols qui ne sont pas valorisé

La terre est considérée comme le premier déchet du bâtiment et des travaux publics et ça correspond à peu près entre 60 et 70%. On transporte de la masse de terre sans la valoriser et on occupe des sols alors que ces mêmes sols pourraient être utilisés pour d’autres projets ou peut-être des terrains nourriciers.  

Là, pour rebondir sur l’actualité, tout le monde a entendu parler du chantier du grand Paris, avec le la nouvelle ligne RER, ça représente des 20 millions de m3 et ils sont en train de faire avec quelque chose de stupide sur les abords de Paris, ils sont en train de recouvrir des bonnes terres agricoles de ces déchets.

Pour moi, en tant que professionnel, c’est un sujet que j’aborde là où j’habite avec la métropole de Bordeaux, la région nouvelle Aquitaine pour voir comment, avec l’action à la fois citoyenne et l’action publique, on peut mettre en œuvre des projets, pour que la terre ne quitte pas le lieu du projet mais y trouve une nouvelle destination.  Pour cela, il faut vraiment détricoter toute la pellotte.

Mais c’est possible et il y a notamment une chouette équipe, de ta Belgique natale à Bruxelles. Je ne sais pas si tu as eu l’occasion de le rencontrer ?  L’équipe s’appelle BC materials (https://bcmaterials.org/fr), si tu as l’occasion d’y retourner, je t’invite à les visiter.

Ils sont à Bruxelles et à la base, ce sont des architectes qui avaient envie de ne pas être juste dans la conception, mais être aussi dans le Faire. Ils collectent des terres excavées issues de grands projets urbains de Bruxelles, ils ont un lieu de stockage, de transformation, de broyage.

Et puis, sur place, il transforme une partie des terres excavées de Bruxelles pour en faire des briques, de la terre en big-bag et également des enduits

Ils ont aussi une offre d’accompagnement. Et comme la Belgique est tellement petite, 50 km autour de Bruxelles, c’est presque toute la Belgique !

Pour moi c’est une grande source d’inspiration, j’aime beaucoup leur démarches, on échange ensemble sur comment on pourrait faire la même chose sur la métropole de Bordeaux donc c’était mon petit clin d’œil aux Belges qui en sont toujours plein de ressources.

L’association Lesa (http://asso-lesa.com) qui est près de Sisteron (créer par d’autres Belge !) a beaucoup militer pour la reconnaissance de la terre dans la construction, et on même réussi à faire reconnaitre la filaire de la construction en terre crue dans l’enseignement.

Maintenant, il est possible de passer un BAC pro avec cette spécificité.

Bilan social

L’autre bilan qu’on peut faire avec la terre, on en a parlé un tout petit peu au début, quand on pouvait prendre contact avec son territoire en tant que qu’auto constructeur ou en partie auto constructeur, je pense que c’est qu’elle nous permet de remettre de l’humain dans le projet.

Ce que je défends dans mes chantiers, c’est comment on peut se réapproprier un matériau, comment on peut se réapproprier des savoirs faire ancestraux de faire la connexion avec notre patrimoine à la fois matérielle et immatérielle. Ça permet à chacun, quel que soit son chemin,  d’apprendre, de corriger, de réadapter son geste.

Et en termes de coopération, ça nous permet aussi de faire le lien avec nos voisins mais aussi de faire le lien avec l’agriculture locale, si on utilise, des fibres pour isoler ou amender notre terre et c’est aussi locale si on reste dans ce périmètre de 50 km.

Cela génère également des emplois si on arrete de faire venir systématiquement des matériaux manufacturés avec des intermédiaires qui ont aucune connexion les uns avec les autres, aucun respect du travail des uns et des autres.

C’est ma vision du chantier que je défends et que je souhaite vraiment continuer à défendre, même si parfois je peux vraiment paraître passer pour une illuminée, mais je pense que si à terme on a vraiment des problématiques d’énergie, au moins l’énergie humaine sera là et la terre aussi !

L'aspect financier

Il y a un autre chose, qu’on n’a pas encore abordé c’est l’aspect du coût. Les matériaux sont de plus en plus chers.

Si la terre est excavée de son terrain, ça ne coûte rien. La partie outillage pour faire des briques, c’est 4 petits morceaux de bois assemblés ou alors on peut louer des presses.

Je pense aux personnes qui ont des budgets limités, non seulement c’est une solution très bon marché mais la maison sera saine.

Les banques n’aiment pas trop les auto-constructeur, du coup beaucoup ne s’impliquerons dans le projet qu’après le hors d’eau hors d’air.

Ils pourront quand même, amener de l’inertie à l’intérieur avec un matériel d’isolation qui ne leur coûtera pratiquement rien. Ils auront mis de l’humain, en organisant par exemple un chantier participatif.  

Un chantier participatif c’est très nourrissant, ce sont des personnes qui viennent s’inspirer sur les chantiers et se disent que c’est possible, on se faits confiance et se dire qu’on peut le faire, c’est tremplin pour ceux et celles qui se questionnent, qui se disent je ne suis pas capable, je suis pas issue d’une famille de bricoleurs.

Mais en fait non, moi personnellement avec mon compagnon, on avait bien posé une étagère et maintenant on a réussi à construire une maison. Bien sûr en allant sur des chantiers pour apprendre.

C’est vraiment cette énergie et cette simplicité que je veux mettre en avant sur mes chantiers.

Il y a très peu de machines, c’est aussi un confort acoustique, ça favorise les échanges et on n’est pas dans ce brouhaha continu de la machine, donc vraiment la terre a un très bon bilan social.

Tu parlais à l’instant de prix, moi, j’avais quand même envie de donner des fourchettes de prix en fonction des techniques. Attention, c’est réalisé par des artisans et des artisanes, je le précise, ce n’est pas des coûts pour auto-constructeurs puisque pour l’auto constructeur ne compte pas son temps.

Ce tableau permet à des personnes de se positionner en fonction des techniques, de se donner une idée du prix au mètre carré posé sans la fourniture.

On voit que les techniques les plus légère d’un point de vue économique, ce sont les enduits et comme on l’a vu, cela peut déjà apporter de l’inertie.

Pour la terre allégée, on ajoute des fibres à la terre, ce mélange donne une technique d’isolation. Ces deux techniques peuvent être mixée, la terre allégée pour isoler et un enduit pour l’inertie et la finition.

Les techniques porteuses seront tout logiquement plus onéreuses.

C’est important de se questionner dans la conception, sur quelle technique je vais utiliser et pouvoir faire des comparatifs en termes de temps, d’argent et de matière utilisée.

Vous pourriez me dire que ces techniques sont chers, mais cher par rapport à quoi ?

Je trouve que c’est très peu par rapport au confort que cela va apporter et de son faible impact environnemental et à la facilité de mise œuvre.

Quand vous contacter un artisan ou une artisane, ne demander pas simplement un devis, regarder avec lui, s’il a envie de partager son savoir, et ainsi d’organiser votre chantier comme un lieu d’échange de savoir.

Ce qui diminuera fortement l’enveloppe de main d’œuvre.

Les filières

Dernier thème que j’aimerais qu’on aborde ce sont les filières. Je pense qu’il est important de savoir dans quel univers le bâtiment conventionnel évolue, et comment nous qui faisons le choix d’utiliser des matériaux locaux et plus sains, quels sont les contextes ?

Pour les produits issus du bâtiment conventionnel, tout est homogène, tous les usages sont prédéfinis, tout est normé, toutes les performances sont normées.

Quand on va vouloir utiliser la terre crue, il va falloir déconstruire nos schémas !

La terre nous apporte beaucoup de variabilité, sur un chantier, j’ai utilisé une seule et même terre à laquelle j’ai ajouté du sable ou des fibres pour en faire du torchis, un enduit de finition et une chape.

Si on prend une laine de verre, ça reste de la laine de verre et elle te propose qu’un seul usage.

Je trouve assez intéressant d’avoir cette multiplicité de techniques, de mélanges et de performances qui sont aussi variables et du coup adapté aux bâtis et aux habitants du lieu.

Filière du bâtiment convententionnel

Pour le lien avec le circuit court, si on prend un matériau du bâtiment conventionnel il y a une ressource, on ne sait pas vraiment d’où elle vient, il y a un exploitant qui va l’utiliser, puis après on va avoir un transformateur, puis 1,2,3,4 ou 5 revendeurs, un grossiste et potentiellement un artisan. 

Filière terre crue

Si on prend la filière terre crue, on va être sûr de l’hyper court. On va avoir une ressource, potentiellement, on va utiliser celle près de chez nous ou avec très peu de transport (pour ne pas avoir un impact en termes de pollution grise).

On pourrait avoir aussi de temps en temps quelques industriels ou revendeurs pour vous vous donner une idée, dans la région de nouvelle Aquitaine, qui fait à peu près la taille de l’Autriche en termes de revendeurs et d’industriels, je pense qu’on peut les compter sur les doigts de la main.

Puis on va trouver des artisans qui vont pouvoir la mettre en œuvre. On est donc vraiment dans des univers complètement différents.

Cadre normatif

La bible de la terre crue

Je vais terminer par le cadre normatif. Pour les auto-constructeurs qui veulent monter leurs compétences ou tout simplement avoir un outil de dialogue avec les artisans, architecte avec lesquels vous allez travailler, votre Bible, ce sont les règles professionnelles des enduits sur supports composé de terres crues.

Si on vous dit que ce n’est pas possible, vous sortez ce bouquin !  

Guides de bonnes pratiques

Et les guides de bonnes pratiques émanant de la Confédération de la construction en terre crue (créée en 2019).

La terre a beau être vernaculaire et Millénaire, la connaissance a été transmise principalement oralement.

On a quand même quelques écrits, mais nous n’avons pas de de texte normatif.

Il faut avoir des outils de dialogue pour dire que c’est possible et casser ces idées reçues que la terre ce n’est pas costaud, qu’on peut pas la mettre en œuvre.

La richesse c’est de pouvoir la travailler sur des mix de matériaux en fonction de l’usage, de la technique qui sera la plus appropriée d’un point de vue temps, économie et énergie.

Il y a beaucoup d’architectes qui s’intéressent à ce qu’on fait chez chapeau et bottes, et je leur dis  plongez-vous d’abord dans ces documents et après vous pourrez avoir des arguments supplémentaires et avoir la capacité de mieux dialoguer avec vos interlocuteurs.

J’ai presque terminé, un dernier schéma qui illustre bien où on en est actuellement. Quand on va demander à assurer un bâtiment et notamment un bâtiment public on a les techniques dites courantes, c’est ce qu’on trouve sur la partie de gauche. Globalement, c’est tous les matériaux qu’on trouve dans les magasins de bricolage.

Et les techniques dites non courantes, ce sont plutôt les techniques issues de la terre crue et ça implique qu’on doit redoubler d’efforts pour démontrer qu’en terre c’est possible.

Donc l’idée, c’est que petit à petit on trouve un mix entre une acceptabilité de la terre dans les projets sans pour autant tomber dans les travers cadre normatif.

C’est un peu notre rôle d’associer des artisans à l’usage de la terre dans nos projets.

Conclusions

On entend beaucoup parler de la RT 2012, de la RE 20 20 il y a quelque chose qu’on parle un peu moins, c’est la loi climat et résilience qui englobe ces 2 lois là, mais qui va beaucoup plus.

Et qui fait que les nouvelles constructions devront utiliser es matériaux 100% recyclable et à minima à 30% biosourcés.

Tous les gros constructeurs qui ont un peu fait du n’importe quoi, seront amenés à insérer des matériaux biosourcés d’une manière d’une autre dans le bâtiment, et donc peut être qu’ils vont s’inspirer un peu plus sur les constructions écologiques.

Je fais un lien avec l’architecte du Paraguay José Kabila qui a obtenu de nombreux prix, qui pour ces projets, part d’un lieu, regarde les ressources disponibles sur place puis élabore son projet.

Je vous invite à voir la vidéo de l’interview qu’il m’a accordée (https://youtu.be/LGsMUZNKeQM)

 

C’est la terre qui nous a permis de nous sédentariser, je pense qu’elle peut nous permettre de continuer à vivre et à bien vivre dans nos habitats et d’être connecté à nos habitats et de le percevoir vraiment comme une 3° peau et pas juste une boîte dans laquelle on rentre.

Un tout grand merci à Amélie pour ce partage très riche d’informations et très enthousiasmant

Si vous voulez en savoir plus sur les accompagnements de chapeau & botte, je vous invite à visiter son site (https://chapeau-et-bottes.fr/) où elle y propose des stages, des immersions et bien plus

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